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Publié par Société Française d'Ethnoscénologie (SOFETH)

« Jacques Pimpaneau ne viendra plus apporter son savoir et sa malice dans nos rencontres où sa belle prestance donnait une vie aussi érudite que poétique aux incarnations des imaginaires chinois. Dès les premiers moments de l’ethnoscénologie, il était intervenu généreusement, confiant des documents, prompt à déranger les idées reçues, les pièges de l’ethnocentrisme et les effets de mode théoriques. Aux étudiants soucieux d’être à la page, il avait ironiquement lancé:

  • Ne confondez pas les théories avec les machines à laver ; les dernières nées ne sont pas nécessairement les meilleures.

Il nous encourageait, lui le sinologue marionnettiste, le traducteur et écrivain à aller voir, sentir, lire et aller faire avant de discourir ; associer la curiosité et l’empathie sans flagorner, se souvenant sans doute des naïfs exaltés et intolérants du temps de sa jeunesse qui brandissaient le Petit Livre Rouge et se régalaient de rituelsmaoïstes. Plus situationniste anarchisant savant que friand de dogmes, Jacques Pimpaneau a toujours combiné liberté d’esprit etcompagnonnage dans nombre d’aventures intellectuelles et artistiques. Étudiant boursier à l’université de Pékin de 1958 à 1960, il avait à son retour à Paris été nommé à l’INALCO qui lui confia la chaire de langue et de littérature chinoise de 1963 à 1999. L’année auparavant, Georges Bataille l’avait interrogé sur l’érotisme chinois, et intéressé à l’adaptation cinématographique d’ Histoire de l’œil, sur laquelle travaillaient un couple de sexologues américains. L’occasion d’un détachement à l’Université chinoise de Hong Kong de 1968 à 1971 lui offritde rencontrer le sinologue belge Pierre Ryckmans, d’un an son aîné, fameux pour avoircrûment dénoncé sous le nom de plume de Simon Leys, la Révolution culturelle et la maolâtrie occidentale. En 1972, Jacques Pimpaneau qui avait été secrétaire de Jean Dubuffet, attentif aux arts et traditions populaires d’Asie, leur consacra à Paris le musée Kwok On qui faute de soutien officiel prit le chemin de Lisbonne. Cinq ans plus tard, il participait à la réalisation du film Chinois, encore un effort pour être révolutionnaires,  un documentaire de style situationniste dont le scénario avait été écrit par René Viènet, l’un de ses anciens étudiants.

Nous nous souvenons de sa façon de pointer ironiquement les spectateurs occidentaux qui se régalent des acrobaties du Jīngjù京剧 et en dédaignent les mélodies. Je garde l’heureux souvenir de la soutenance de la thèse passionnante d’Isabella Falaschi qu’il avait dirigée, sur la question du Beiju le terme qui selon certains critiques chinois devait montrer l’existence de la tragédie dans les spectacles des Yan. Exemple d’un ethnocentrisme croisé, et leçon d’épistémologie critique. La mort de Jacques Pimpaneau à 87 ans mérite que l’on chérisse sa mémoire vive. »

 

Jean-Marie Pradier

 

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